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Caractérisation de l'urgence dans le contentieux du refus d'IEF



Dans cette affaire, le juge des référés reconnait l'urgence au sens de l'article L. 521-1 CJA

3. En l'espèce, la décision en litige a pour effet de contraindre les requérants à inscrire leur enfant dans un établissement



scolaire en capacité de l'accueillir, dans un très bref délai, eu égard à la proximité de la rentrée scolaire. En outre, elle est de nature à modifier de manière importante l'organisation de l'enfant et de la famille et entrainerait même une séparation entre B et son père compte tenu des déplacements fréquents liés à l'exercice professionnel de ce dernier en qualité de travailleur indépendant, en faisant obstacle aux déplacements de la cellule familiale. En l'espèce, la condition d'urgence prévue par les dispositions citées au point 1 doit, dans ces conditions, être regardée comme remplie.



Tribunal administratif de Grenoble, 23 août 2024, 2406087


Vu la procédure suivante

 : Par une requête enregistrée le 9 août 2024, M. et Mme A C, représentés par Me Fouret, demandent au juge des référés : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 9 juillet 2024 de rejet de leur recours préalable obligatoire de la décision du 6 juin 2024 de la rectrice de l'académie de Grenoble portant rejet de leur demande d'instruction en famille de leur fille B, née le 11 septembre 2021, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; 2°) d'enjoindre au rectorat de délivrer l'autorisation d'instruire en famille leur enfant et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur demande ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la condition d'urgence est remplie ; - la décision est entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 131-5 du code de l'éducation ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2024, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir : - la condition d'urgence n'est pas constituée ; - les moyens soulevés ne sauraient fonder un doute sur la légalité de l'acte.

Vu :

- les autres pièces du dossier ; - la requête enregistrée le 9 août 2024 sous le numéro 2406086 par laquelle M. et Mme A C demande l'annulation de la décision attaquée. Vu : - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Portal pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique tenue en présence de M. Palmer, greffier d'audience, ont été entendus : - le rapport de Mme Portal, juge des référés ; - les observations Me Villecroze, qui a repris les moyens et conclusions de la requête, en précisant que B est de double nationalité franco-italienne, avec un niveau avancé en langues étrangères, que l'école publique de la petite commune de Cras à proximité du domicile de la famille situé à Morette ne présente qu'une classe unique regroupant trois niveaux rendant impossible un enseignement équivalent ; - les observations de Mme A C laquelle ajoute qu'il est proposé quotidiennement des lectures en italien et en anglais à B, qu'elle a suivi une formation certifiante de l'école Montessori pour parfaire sa pédagogie, que la cellule familiale est amenée à déménager fréquemment compte tenu de la situation professionnelle de M. A C, qu'il est même envisagé que la famille vive à la rentrée une semaine sur deux à Morette et l'autre en région parisienne ; - les observations de Mme D, représentant la rectrice de l'académie de Grenoble reprenant les développements de sa défense, en précisant notamment que la condition de l'urgence n'est pas satisfaite et que les requérants ne démontrent pas l'existence d'une situation propre à l'enfant.

Considérant ce qui suit

 : Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : En ce qui concerne l'urgence :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () " et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. () " ; qu'enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire. " ;

2. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

3. En l'espèce, la décision en litige a pour effet de contraindre les requérants à inscrire leur enfant dans un établissement scolaire en capacité de l'accueillir, dans un très bref délai, eu égard à la proximité de la rentrée scolaire. En outre, elle est de nature à modifier de manière importante l'organisation de l'enfant et de la famille et entrainerait même une séparation entre B et son père compte tenu des déplacements fréquents liés à l'exercice professionnel de ce dernier en qualité de travailleur indépendant, en faisant obstacle aux déplacements de la cellule familiale. En l'espèce, la condition d'urgence prévue par les dispositions citées au point 1 doit, dans ces conditions, être regardée comme remplie.

En ce qui concerne la légalité de l'acte :

4. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. / () / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : / () / 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l'année scolaire. ( / () ".

5. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part, dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

6. En l'espèce, B, qui dispose de la double nationalité franco-italienne, a été initiée dès sa naissance aux langues étrangères grâce à une éducation bilingue de la part de sa mère et voyage fréquemment en Italie, à Turin, où réside la branche maternelle de sa famille qui parle, pour la quasi-totalité de ses membres, uniquement l'italien. Cette identité multilingue a suscité chez l'enfant une forte curiosité intellectuelle et le goût d'apprendre les langues étrangères. Il ressort des pièces du dossier qu'elle possède ainsi, grâce à un enseignement et des lectures quotidiens, un niveau avancé pour son jeune âge, dans l'apprentissage de l'italien d'une part, et de l'anglais, d'autre part. Compte tenu de la situation propre à l'enfant motivant un projet éducatif doté d'un enseignement de deux langues étrangères en petite section de maternelle et alors que l'école maternelle publique de Cras, à proximité de la petite commune de Morette où se situe le domicile de la famille, est une école à classe unique regroupant trois niveaux différents, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation est, par suite, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A C sont fondés à demander la suspension de l'exécution de la décision qu'ils contestent. Sur la demande d'injonction :

8. L'exécution de la présente ordonnance implique que M. et Mme A C bénéficient, à titre provisoire et jusqu'à l'intervention du jugement de la requête au fond, d'une autorisation d'instruction dans la famille pour leur enfant B. Il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Grenoble de leur délivrer cette autorisation provisoire dans un délai de trente jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à M. et Mme A C.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision du en date du 9 juillet 2024 est suspendue. Article 2 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Grenoble de délivrer à M. et Mme A C, pour leur enfant B, une autorisation d'instruction dans la famille dans un délai de trente jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A C, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme A C et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie sera adressée à la rectrice de l'académie de Grenoble. Fait à Grenoble, le 23 août 2024 . Le juge des référés, N. PORTAL Le greffier, M. PALMER La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


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