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Injonction d'AESH et obligation de l'Etat





Tribunal administratif de Melun, 4 octobre 2024, 2410975

" 6. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre l'ensemble des moyens financiers et humains nécessaires pour assurer l'effectivité du droit à l'éducation aux enfants handicapés"


Vu la procédure suivante

 : Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2024, Mme C B et M. D F, agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, A F, et représentés par Me Pierrey, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 2 septembre 2024 par laquelle la directrice académique des services de l'éducation nationale du Val-de-Marne a refusé d'affecter auprès de leur fils un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) à titre individuel à temps plein, soit trente-cinq heures, conformément à la décision prise le 30 juillet 2024 par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne ; 2°) d'enjoindre à la directrice académique des services de l'éducation nationale du Val-de-Marne d'affecter Mme E auprès de leur fils en qualité d'AESH à titre individuel pour trente-cinq heures, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La requête a été communiquée à la rectrice de l'académie de Créteil qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- la requête n° 2410980 tendant à l'annulation de la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'éducation ; - l'arrêté du 6 février 2015 relatif au document de recueil d'informations mentionné à l'article D. 351-10 du code de l'éducation, intitulé " guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation " (GEVA-Sco) ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, désigné M. Zanella, premier conseiller, pour statuer sur les référés présentés sur le fondement des dispositions du livre V du même code. Les parties ont été régulièrement informées de la date et de l'heure de l'audience publique. Au cours de cette audience, tenue le 18 septembre 2024 à 10h00 en présence de Mme Dusautois, greffière d'audience, ont été entendus : -le rapport de M. Zanella ; -et les observations de Me Bonnardel, substituant Me Pierrey, représentant Mme B et M. F, qui a conclu aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, en précisant que : la durée de l'aide individuelle aux personnes handicapées apportée au jeune A F par un AESH est de vingt-quatre heures par semaine depuis le 16 septembre 2024 mais reste encore inférieure au temps de scolarisation de l'intéressé ; celui-ci a besoin, pour être rassuré, d'être accompagné par Mme E, qu'il connaît et dont la formation est particulièrement adaptée pour ce faire. La clôture de l'instruction est intervenue à l'issue de l'audience en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative. Une note en délibéré, enregistrée le 19 septembre 2024, a été présentée par la rectrice de l'académie de Créteil.

Considérant ce qui suit

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".

2. Le jeune A F, qui, âgé de quinze ans, est scolarisé en classe de seconde professionnelle pour l'année scolaire 2024-2025 et présente un trouble du spectre de l'autisme, s'est vu attribuer l'aide humaine individuelle aux élèves handicapés mentionnée au premier alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation pour la totalité de son temps de scolarisation du 1er septembre 2024 au 31 août 2027 par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne (CDAPH) en date du 30 juillet 2024. Par une lettre datée du 9 août 2024 et reçue le 12 août suivant, ses parents, Mme B et M. F, qui avaient entre-temps appris que l'accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) affectée auprès de lui durant l'année scolaire 2023-2024, Mme E, ne pourrait plus lui apporter qu'une partie, à hauteur de douze heures par semaine, de l'aide ainsi accordée durant l'année scolaire 2024-2025, ont mis en demeure la directrice académique des services de l'éducation nationale du Val-de-Marne d'exécuter totalement cette décision. La requête présentée en son nom doit être regardée comme tendant, à titre principal, à la suspension de l'exécution, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, du refus de l'autorité en cause de faire droit à cette mise en demeure, révélé par le fait que, le 2 septembre 2024, l'AESH désignée pour lui apporter l'aide mentionnée ci-dessus n'a été affectée auprès de lui que pour une durée de douze heures par semaine alors que son emploi du temps comporte trente-cinq heures de cours par semaine. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

3. D'une part, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension de l'exécution d'une décision administrative lorsque l'exécution de celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts que celui-ci entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. Il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle a doublé postérieurement à l'introduction de l'instance, passant de douze heures par semaine du 2 au 13 septembre 2024 à vingt-quatre heures par semaine à compter du 16 septembre 2024, la durée de l'aide individuelle effectivement apportée au jeune A F par un AESH au titre du premier alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation reste largement inférieure, à la date de la présente ordonnance, aux trente-cinq heures correspondant au temps de scolarisation de l'intéressé. Or il résulte également de l'instruction que cette situation ne permet pas à celui-ci de suivre sa scolarité dans des conditions normales, compte tenu de ses besoins particuliers d'accompagnement - notamment pour fixer son attention, en raison d'une concentration fluctuante, ainsi que pour exercer des activités de motricité fine - tels qu'ils ressortent en particulier des documents intitulés " GEVA-Sco " dans lesquels ont été transcrites, conformément à l'article 2 de l'arrêté du 6 février 2015 visé ci-dessus, les informations recueillies au cours des réunions des 19 octobre 2023 et 25 avril 2024 de l'équipe de suivi de sa scolarisation (ESS). La décision en litige préjudicie ainsi de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du jeune A F pour que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative puisse être regardée comme remplie.

5. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-1 du code de l'éducation : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes en situation de handicap ". Aux termes de l'article L. 351-3 du même code : " Lorsque la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles constate que la scolarisation d'un enfant dans une classe de l'enseignement public ou d'un établissement mentionné à l'article L. 442-1 du présent code requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté conformément aux modalités définies à l'article L. 917-1 [] ".

7. En l'état l'instruction, le moyen tiré du non-respect de l'obligation rappelée au point précédent est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen dont les requérants font état, tiré de la nécessité que l'accompagnement du jeune A F soit effectué par une même personne identifiée, qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision par laquelle la directrice académique des services de l'éducation nationale du Val-de-Marne a refusé d'exécuter totalement la décision de la CDAPH mentionnée au point 2. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire []. ".

10. Dans le cas où les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut non seulement suspendre l'exécution d'une décision administrative, même de rejet, mais aussi assortir cette suspension d'une injonction ou de l'indication des obligations qui en découleront pour l'administration. Toutefois, les mesures qu'il prescrit ainsi, alors qu'il se borne à relever l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige, doivent présenter un caractère provisoire. Il suit de là que le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut, sans excéder sa compétence, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant la décision administrative contestée

11. La suspension de l'exécution de la décision en litige n'implique pas nécessairement que Mme E soit affectée auprès du jeune A F en qualité d'AESH pour lui apporter l'aide qui lui a été attribuée par la décision de la CDAPH mentionnée au point 2. Elle implique en revanche que la situation de l'intéressé au regard des droits qu'il tient de cette décision soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Créteil de procéder à ce réexamen dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige :

12. D'une part, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ". 13. La présente instance n'a donné lieu à aucune des mesures d'instruction, mentionnées à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. Par suite, les conclusions relatives aux dépens présentées par Mme B et M. F ne peuvent qu'être rejetées. 14. D'autre part, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 15. En application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B et M. F et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision de la directrice académique des services de l'éducation nationale du Val-de-Marne refusant d'exécuter totalement la décision du 30 juillet 2024 par laquelle la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne a attribué au jeune A F une aide humaine individuelle aux élèves handicapés pour la totalité de son temps de scolarisation du 1er septembre 2024 au 31 août 2027 est suspendue. Article 2 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Créteil de réexaminer la situation du jeune A F au regard des droits qu'il tient de la décision du 30 juillet 2024 mentionnée à l'article 1er dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 3 : L'État versera à Mme B et M. F une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la requête de Mme B et M. F sont rejetées pour le surplus. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C B et M. D F et à la ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée pour information à la rectrice de l'académie de Créteil. Fait à Melun, le 4 octobre 2024. Le juge des référés,La greffière, Signé : P. ZanellaSigné : O. Dusautois La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière,


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