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Retrait de carte d'agent de sécurité privée et notion d'urgence (L.521-1 CJA) par rapport aux JO

Tribunal administratif de Nice, 22 mai 2024, 2402433


Vu la procédure suivante

 : Par une requête et un mémoire en réponse enregistrés les 8 et 21 mai 2024, M. B, Aymen A, représenté par Me Zaiter, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de la décision n°119-2024 du 8 mars 2024 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a procédé au retrait de sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée ; 2°) d'enjoindre au directeur du CNAPS de lui restituer sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée, sans délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge du CNAPS une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : 1°) s'agissant de l'urgence, il n'est plus en mesure d'exercer sa profession d'agent de sécurité et se trouve actuellement au chômage et devra se reconvertir sur le plan professionnel ; une reconversion d'autant plus difficile, que compte tenu de son jeune âge, il ne peut prétendre à aucune formation ; 2°) s'agissant de l'existence d'un doute sérieux, en l'état de l'instruction, sur la légalité de la décision attaquée : - elle a été prise sans être précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance de l'article L.122-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est insuffisamment motivée en fait, en méconnaissance des dispositions de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - le requérant est inconnu des services de police et de la justice et ne s'est jamais fait remarquer de ses employeurs pour une pratique fondamentaliste de sa religion ; - la note blanche produite est des plus générale, non datée et non circonstanciée ; - l'urgence à retirer cette carte requise en application des dispositions de l'article L.612-20 du code de la sécurité intérieure pour rendre compétent le directeur du CNAPS n'est pas établie. Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2024, le Conseil national des activités privées de sécurité conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : 1°) l'urgence à statuer n'est pas démontrée, le requérant étant indemnisé de son chômage ; 2°) s'agissant de l'existence d'un doute sérieux, en l'état de l'instruction, sur la légalité de la décision attaquée : - l'urgence dispensait en l'espèce du contradictoire de la procédure et d'une motivation plus précise ; - la décision querellée est suffisamment motivée ; - le requérant fait l'objet d'un signalement pour apologie des activités du Hamas ; il est également connu pour des faits de conduite d'un véhicule à moteur sans être titulaire du permis de le conduire commis le 2 mai 2023 ; il figure dans le fichier des personnes recherchées (FPR).

Vu :

- les autres pièces du dossier ; - la requête n°2402432 par laquelle M. A demande l'annulation de la décision querellée. Vu : - le code de la sécurité intérieure ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal administratif a désigné M. Taormina, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 mai 2024 : - le rapport de M. Taormina, juge des référés, - et les observations de Me Zaiter pour M. A, le Conseil national des activités privées de sécurité n'étant pas représenté.

Considérant ce qui suit

 : 1. Aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". 2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. En l'espèce, l'urgence est justifiée par la perte par le requérant, de son emploi salarié d'agent de sécurité avec la perspective de devoir se reconvertir sur le plan professionnel. 3. Aux termes du code de la sécurité intérieure : " Art. L.612-6. - Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à l'article L.611-1, ni diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat./ Art. L.612-7. - L'agrément prévu à l'article L. 612-6 est délivré aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes :/ L'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées./ Art. L.612-8. - L'agrément peut être retiré lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues à l'article L.612-7./ En cas d'urgence, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité peut suspendre l'agrément. En outre, le représentant de l'Etat dans le département, ou, à Paris, le préfet de police, peut suspendre l'agrément en cas de nécessité tenant à l'ordre public. Art. L.612-20. - Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L.611-1 : 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. () / En cas d'urgence, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité peut retirer la carte professionnelle ". Aux termes du code des relations entre le public et l'administration : " Art. L.121-1. - Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L.211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. Art. L.121-2. - Les dispositions de l'article L.121-1 ne sont pas applicables :/ 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ;/ Art. L.122-1. - Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales Art. L.211-2. - doivent être motivées les décisions qui : / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;/ Art. L.211- 5. - La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. Art. L.211-6. - Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision ". 4. Il résulte de ces dispositions que, sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, les décisions de retrait de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée et de suspension de l'agrément en qualité de dirigeant d'une entreprise de sécurité privée doivent être motivées et précédées d'une procédure contradictoire afin de permettre préalablement à l'intéressé de faire valoir utilement ses droits auprès de l'autorité administrative, dans la perspective de décisions susceptibles de lui faire grief. 5. En l'espèce, le CNAPS fait état de ce que l'enquête administrative qu'elle a diligentée révèle que M. A fait l'objet d'une note blanche dont il résulte que l'intéressé " s'est fait connaître en décembre 2023 pour sa pratique d'un islam fondamentaliste et prosélyte (et qu') actif sur les réseaux sociaux, il publie de nombreuses vidéos faisant l'apologie des actions du mouvement terroriste palestinien Hamas ", qu'il fait, à ce titre l'objet d'un signalement dans le fichier des personnes recherchées (FPR) et qu'enfin, il fait l'objet d'un signalement dans le fichier ''traitement des antécédents judiciaires'' (TAJ) pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis commis le 2 mai 2023. 6. Alors que la France s'apprête à accueillir de grands évènements sportifs dans le cadre de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 dans le dispositif de sécurité desquels les agents de sécurité privée seront particulièrement mobilisés, les liens existant entre M. A qui exerçait ses fonctions notamment à l'aéroport de Nice, et la mouvance radicale susmentionnée, sont suffisamment établis par la note blanche produite par le CNAPS et de nature à représenter une menace pour la sécurité publique incompatible avec le maintien de la carte d'agent de sécurité privée. Par suite, l'ensemble de ces éléments et notamment les nécessités de l'ordre public s'opposent à ce qu'une urgence, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative, soit constatée au cas d'espèce. 7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige, la requête présentée par M. A sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, ensemble ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. B, Aymen A est rejetée. Article 2. - La présente ordonnance sera notifiée à M. B, Aymen A et au Conseil national des activités privées de sécurité. Fait à Nice, le 22 mai 2024. Le juge des référés, Signé G. Taormina La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, Le greffier en chef, ou par délégation le greffier N°2402433

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