top of page
Photo du rédacteurremy PHILIPPOT

Référé suspension (L. 521-1 CJA) et injonction sous astreinte de mise en place d'AESH




Tribunal administratif de Rennes, 11 octobre 2024, 2406022


Vu la procédure suivante

 : Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2024, Mme et M. A et Benoît C demandent au juge des référés d'enjoindre au recteur de l'académie de Rennes, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'attribuer à leur fils un accompagnant individuel des élèves en situation de handicap (AESH) à 100 % du temps scolaire, conformément à la notification de la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) d'Ille-et-Vilaine du 12 avril 2024, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Ils soutiennent que : - l'urgence est justifiée : sans AESH, leur fils ne peut pas être scolarisé en raison de nombreuses difficultés et d'importants problèmes de santé ; - la carence de l'État à mettre à la disposition de leur fils âgé de trois ans l'aide qui lui est nécessaire porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue son droit à l'éducation : leur fils est soumis à l'obligation de scolarisation, il est à un âge déterminant dans l'acquisition des savoirs et des apprentissages et aucune diligence particulière n'a été mise en œuvre par l'administration pour pourvoir à son accompagnement. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2024, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : en dépit de l'augmentation croissante des moyens financiers et humains accordés à l'inclusion scolaire, l'éducation nationale n'est plus en capacité de mettre en œuvre, de manière efficiente, le flux des prescriptions émanant des maisons départementales des personnes handicapées, qui sont en constante augmentation ; le recrutement des accompagnants d'élèves en situation de handicap se heurte de plus à de sérieuses difficultés, notamment dans certains zones géographiques de l'académie, les emplois apparaissant peu attractifs ; les demandes sont instruites et priorisées selon l'urgence au vu des besoins propres des élèves concernés et la situation de B est identifiée comme prioritaire ; de nouveaux recrutements sont en cours mais il n'est pas en mesure de communiquer le délai dans lequel l'accompagnement de B sera mis en œuvre ; - les requérants ne justifient pas des frais exposés dans le cadre de l'instance. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ; - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative ; Le président du tribunal a désigné Mme Plumerault, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 octobre 2024 : - le rapport de Mme Plumerault, - les observations de M. et Mme C, qui insistent sur la situation de leur fils qui ne peut pas être scolarisé ; - les observations de M. D, représentant le recteur de l'académie de Rennes. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

 : Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de cet article, le juge administratif des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, par des mesures qui présentent un caractère provisoire, le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales. 2. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " () Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. () ". Aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire () aux adolescents () présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des adolescents () en situation de handicap (). ". 3. La privation pour un enfant, notamment s'il souffre d'un handicap, de toute possibilité de bénéficier d'une scolarisation ou d'une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d'assurer le respect de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l'intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. En outre, le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte, d'une part de l'âge de l'enfant, d'autre part des diligences accomplies par l'autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose. 4. E, né le 18 février 2021, est scolarisé en petite section de maternelle à l'école Jeanne d'Arc à Rennes. Atteint d'une séquence de Pierre Robin, il s'est vu attribuer par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) d'Ille-et-Vilaine, par décision du 12 avril 2024, une orientation en service d'éducation spéciale et de soins à domicile ainsi qu'une aide humaine individuelle, sur 100 % du temps scolaire, du 11 avril 2024 au 31 juillet 2026. 5. Il résulte de l'instruction que le jeune B, qui devait démarrer son parcours scolaire à la rentrée scolaire 2024-2025 en petite section de maternelle, n'a pas pu, compte tenu de ses besoins propres, être scolarisé en raison de l'absence de tout accompagnant individuel des élèves en situation de handicap (AESH) à ses côtés, dont il a impérativement besoin pendant l'intégralité de son temps de scolarisation. Il résulte au surplus des explications orales apportées à l'audience que cette absence de scolarisation est préjudiciable à l'épanouissement de B, dans un contexte d'histoire personnelle particulière, alors qu'il est demandeur d'apprentissage. Cette situation qui prive l'enfant de toute scolarisation porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l'éducation et caractérise la situation d'urgence particulière exigée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative 6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Rennes d'affecter à l'enfant B C, l'assistance individuelle d'un AESH, sur 100 % du temps hebdomadaire conformément à la notification de la MDPH, pour le 4 novembre 2024 au plus tard, date de retour des congés scolaires. Il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé cette date. Sur les frais liés au litige : 7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que Mme et M. C, qui ne sont pas représentés par un avocat, demandent au titre des frais non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : Il est enjoint au recteur de l'académie de Rennes d'affecter à l'enfant B C l'assistance individuelle d'un accompagnant des élèves en situation de handicap, pour le 4 novembre 2024 au plus tard, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme et M. A et Benoît C et à la ministre de l'éducation nationale. Une copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Rennes. Fait à Rennes, le 11 octobre 2024. Le juge des référés, signé F. PlumeraultLa greffière d'audience, signé A. Gauthier La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


2 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page